A toi que j'admire,
J'ai repensé à toi. D'un coup, comme cela arrive parfois, quand je suis seule, que je réfléchis. Je ne compte plus les années depuis que tu nous as quittés... je n'étais qu'une petite fille. A présent, je me dis que tu es parti trop tôt. Avant que je sois assez mûre pour te rendre visite, et affronter ton visage brûlé. Avant que je sois en âge d'utiliser judicieusement tout ce que tu m'avais appris... Tu es celui qui m'a donné goût à l'art, à la nature, qui m'a lu bien des livres, avant d'aller me coucher, celui qui était à la fois mon oncle, un deuxième père, un instructeur, l'artiste, le poète, le philosophe de mon enfance. Et pourtant, ce jour est venu. Ce jour où papa est venu me voir dans la chambre, alors que jeune enfant, je regardais la télévision, insouciante.
"Il y a eu un incendie chez mamie. Tonton est gravement brûlé, il est à l'hôpital."
Nous avions fêté mon anniversaire dans les semaines qui précédaient. J'avais... 6 ans ? 7 ans ? Je ne sais plus. Mais la petite fille que j'étais ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas la portée de ces mots. Elle ne comprenait pas qu'elle ne te reverrait jamais, en chair et en os. Il s'est passé plusieurs années, où je ne pouvais allez chez mamie que lorsque toi, tu étais reparti pour des examens à l'hôpital, où nous ne correspondions que par lettres, que mamie te lisait à l'hôpital et que tu gardais précieusement. Nous nous sommes même disputés parce que je en pouvais pas venir te voir. Encore aujourd'hui, j'en suis terriblement désolée. Mais pourtant, tu ne m'en as jamais voulu... tu étais exceptionnel. Au fur et à mesure que je grandissais, mamie me contait ton courage, la souffrance que tu endurais, comme tu te battais contre tes brûlures, ton handicap... pour la vie. Elle me les montrait, tous les livres qui te servaient à apprendre le russe, le chinois, et bien d'autres langues... car ton temps libre, tu le passais à étudier sciences, arts, langues, curieux de tout. Comme je t'admire. Oh, si tu savais comme je t'admire...
Puis un jour, est venue une grande nouvelle. On allait te greffer des mains et un visage. ...j'allais peut être enfin te revoir. L'opération s'était bien passé, mamie nous avait raconté que tu avais réussi à bouger tes doigts, alors que le bonheur te submergeait. Enfin, ton combat était récompensé. Et pourtant... dans les jours qui suivaient... tu n'étais plus de ce monde. A cause d'un germe, un vulgaire germe. La vie est ironique... et bien injuste. D'autres années ont passé avant que je ne comprenne réellement ce que ta mort avait pu représenter pour moi. Mais à présent j'ai pris conscience d'à quel point je t'admirais... non. Je t'admire, plutôt. Jamais tu ne mourras en moi. Même si j'ai appris à connaître toutes tes qualités après ce drame, je te voue une admiration sans bornes. Tu t'es battu, tu as été une personne formidable, bonne avec tous, intéressante, qui montrait de l'intérêt en bien des choses, et apprenait sans cesse. J'aimerais devenir aussi merveilleuse que toi, si cela n'est pas trop ambitieux... ah, mais nous ne sommes jamais trop ambitieux. Je vis le présent, face au futur, avec un œil mûr sur le passé. C'est ce que je me suis promis. Tu seras mon exemple, comme tu l'as toujours été, comme tu as pu l'être au collège. L'exemple qui m'a poussée à avancer, à toujours avoir foi en l'avenir, l'exemple qui m'a faite rester debout pour enfin rencontrer toutes ces personnes qui me sont si chères.
Même si tu ne peux ni me lire, ni m'entendre, je t'offre tous ces mots. Je ne sais même pas si tu me vois, après tout la mort reste un mystère sur lequel je n'avancerai aucune réponse. Mais ce qui est écrit est écrit, et quoi qu'il en soit, sache que tu es et resteras toujours quelque part au fond de moi,pour me rappeler que ce que je recherche est là, devant moi, et qu'il me suffit de faire un pas en avant pour l'atteindre.
Ta nièce, Romane.
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